Mon chemin heureux
#007 (S1) Celle qui portait des baskets trop serrées
Celle qui portait des baskets trop serrées
Je marche avec les baskets qui m’ont été données.
Elles sont sympas, c’est du prêt-à-porter.
Elles m’ont permis jusqu’ici, de réussir ma vie :
J’ai un toit et à manger dans mon assiette,
Je peux partir en vacances sur un coup de tête,
J’ai une télévision et le dernier téléphone Hi tech,
Et surtout 462 abonnés sur Instachouette.
Je suis dans la tendance avec mes baskets.
Je fais ce qu’il faut, j’agis en adulte responsable et censé,
J’avance avec mes habitudes et mes pensées
Provenant de mon éducation, ma culture et la société.
Bon, parfois elles me serrent un peu,
Mais je m’adapte un temps soit peu…
Enfin, il faut dire souvent ces derniers temps…
Pourtant, j’ai tous les must-have du moment,
Je fais un tas d’activités ultra tendance, et pourtant…
Le soir, je suis las de courir et fatiguée de scroller
De plus en plus seule alors que n’ai jamais été aussi connectée,
Toujours débordée et pourtant toujours endormie à moitié.
J’ai tout en abondance mais je suis vide à l’intérieur.
L’estomac dans les talons, de plus j’ai faim au fond.
Et pourtant, je fais mon possible pour faire tout ce qu’il faut,
Pour être dans la norme, et conforme à ce qui se fait,
Ce que j’aime, ce que je sais faire, ce qui me sied,
Ce que je veux être, je n’en ai aucune idée.
Sans perspectives à l’horizon, sans projets,
Je suis des personnes et je regarde leurs vies défiler,
Comme un film d’actualité qui ne s’arrête jamais,
Spectatrice groggy et pantouflarde de ma vie.
En fait, de mes pompes, je marche bel et bien à coté
Et la vérité, c’est que j’ai mal aux pieds,
Dans ces baskets trop étroites, trop serrées,
Celles que tout le monde porte en apparence si pratiques,
Mais pas très belles, pas très originales, et surtout pas très moi.
Comment avoir des ambitions et aller loin avec des baskets trop petites ?
C’est plus facile de rester plantée là, à ruminer et regarder,
À consommer sans réfléchir, ce que l’on me donne à manger,
Avec dans le même sabot, les deux pieds bien coincés.
Tout le monde devrait pourvoir trouver chaussure à son pied !
En fait, j’ai bien une autre paire, mais je ne l’ai jamais portée.
Et pourtant, à merveille elle me sied,
Bien que plus à ma mesure, je n’ose pas les porter,
C’est-à-dire que si je me risquais à les enfiler
Tout le monde verrait que j’ai de bien grands pieds,
Pas vraiment standards, et pas vraiment parfait,
Je ne pourrais plus me fondre dans la masse et je détonnerais
Tout le monde verra et saura la vraie réalité :
Ce que je pense, ce que je suis,