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Le seigneuriage : fabriquer des billets, ça rapporte
Voix : Clémentine Gallès et Timothée Waxin
Texte : Clémentine Gallès
J’aimerais savoir sur le seigneuriage : Fabriquer des billets, ça rapporte ?
Au Moyen-âge, les seigneurs féodaux disposaient du droit à « battre » la monnaie, c’est-à-dire de fabriquer eux-mêmes les pièces de monnaie. Cela représentait une vraie aubaine ! De cette époque est resté le nom de seigneuriage pour qualifier les revenus issus de la fabrication de la monnaie. Peux-tu nous dire ce que l’on entend par seigneuriage aujourd’hui ?
Aujourd’hui, ce sont les Banques Centrales qui fabriquent les pièces et les billets et non plus les seigneurs. Et même si la mécanique a pas mal évolué, les banques centrales tirent elles aussi des bénéfices de cette activité.
Peux-tu expliquer cette mécanique justement ?
Dit simplement, aujourd’hui ce sont les banques commerciales qui mettent en circulation les pièces et les billets auprès de leurs clients. Quand ces banques commerciales ont besoin de plus de pièces ou billets, elles les demandent à la Banque Centrale. Mais la Banque Centrale ne donne pas cette monnaie sans contrepartie, en fait elle la prête aux banques commerciales. Et comme pour tout prêt, cela se fait contre le paiement d’un intérêt. Ainsi, les banques commerciales paient un intérêt à la Banque Centrale pour bénéficier de pièces et de billets. Au final, le seigneuriage correspond aujourd’hui aux revenus de ces intérêts, revenus desquels on soustrait tout de même le coût de fabrication de la monnaie. Et à la fin, la Banque Centrale reverse tout ou partie de ces revenus à l’Etat.
Assez vite, on se dit qu’il doit y avoir une forte tentation pour l’Etat de demander à sa Banque centrale de produire plus de pièces et billets, afin d’aider à financer l’Etat et aussi d’augmenter ces fameux revenus de seigneuriage…
C’est en effet tentant ! Et c’est ce que faisaient régulièrement les seigneurs féodaux au Moyen-âge. Ils fabriquaient plus de monnaie pour couvrir leurs dépenses. Ce qui généralement provoquait une perte de la valeur de cette monnaie, c’est-à-dire de l’inflation. C’est d’ailleurs pour éviter une telle tentation que la Banque Centrale est aujourd’hui le plus souvent indépendante de son Etat. Une banque centrale a pour fonction principale d’émettre la monnaie et de veiller à ce que celle-ci ne perde pas de valeur. Le caractère d’indépendance apparaît ainsi crucial pour éviter la tentation d’augmenter ses revenus de seigneuriage et ainsi prendre le risque de générer de l’inflation.
Aujourd’hui, l’usage des pièces et billets a tendance à se réduire, est-ce que cela signifie que la Banque Centrale a de moins en moins de revenus de seigneuriage ?
Nous utilisons en effet de moins en moins de pièces et billets et de plus en plus de paiements dit électroniques, en payant par carte bleue ou par virement. Mais cela ne modifie pas vraiment la mécanique. Pour répondre à ces besoins de monnaie « électronique », les banques commerciales se tournent toujours vers leur Banque Centrale. Elles empruntent ainsi une version électronique de la « Monnaie Banque Centrale » contre le paiement d’intérêts.
Les banques centrales ont le monopole de fabrication de leur monnaie, que ce soit en version pièces et billets ou version électronique. Les banques centrales perçoivent des intérêts en échange de la mise à disposition de cette monnaie. Aujourd’hui la plupart des banques centrales sont indépendantes de leur Etat afin d’éviter la tentation de créer plus de monnaie pour financer des dépenses publiques ou pour augmenter les revenus du seigneuriage.