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Peut-on être en décroissance ?
Voix : Ana Boata et Laurent Clavel
Texte : Laurent Clavel
J’aimerais savoir : peut-on être en décroissance ?
En général, les économistes utilisent davantage le mot « récession » pour une période de décroissance courte. Cela correspond à une contraction de l’activité économique, donc à une baisse du PIB. Est-ce qu’on peut être plus précis ?
En fait, même la définition du mot « récession » prête à débat : la condition classique est d’avoir deux trimestres consécutifs de contraction, mais on sent bien qu’un tel recul du PIB est plus probable quand la croissance moyenne est faible, comme en Italie, que quand elle est structurellement élevée, comme en Chine.
Et la vie est-elle différente quand on est en récession ?
En principe, il n’y a pas vraiment de raison : vous vous souvenez de la construction du PIB, son intérêt mais aussi ses limites ? Donc, les conséquences concrètes de la récession sont marginales sinon impalpables quand l’évolution du PIB passe de marginalement positive à marginalement négative. En revanche, si la baisse d’activité est prononcée ou conduit à une hausse importante du chômage, alors la récession a des effets qui se font sentir.
C’est pourquoi certains définissent une récession, pas uniquement avec le PIB, mais aussi en tenant compte de la situation du marché du travail par exemple, afin d’être moins dépendant d’erreurs de mesures statistiques sur deux trimestres de PIB.
Tout à fait. En procédant ainsi, on obtient une vue plus complète et donc plus juste de la situation économique.
Certains prônent justement cette décroissance sur une période bien plus longue qu’une récession, notamment pour des questions écologiques.
Exactement. Rappelons d’ailleurs que le terme décroissance est apparu dans les années 1970 avec la montée de la prise de conscience écologique. Pourquoi cette mobilisation en faveur de la décroissance ? Parce que, historiquement et aujourd’hui encore, on constate une relation assez nette entre croissance du PIB et hausse des émissions de gaz à effet de serre, en lien avec l’augmentation de notre consommation énergétique, essentiellement. Cette relation a été mise en évidence lors de la pandémie. Lors des confinements de la crise Covid, les émissions ont fortement baissé ! Du coup, certains misent sur la baisse de l’activité économique, la décroissance, pour réduire nos émissions polluantes. L’alternative est de gagner en efficacité énergétique et de réduire l’intensité en carbone de notre économie, ce qui serait plus favorable à la croissance mais prendra du temps.
Si je résume, on peut avoir une baisse d’activité sur quelques trimestres. Mais on parle de décroissance pour une période bien plus longue. Et alors cela peut aussi être synonyme de baisse du niveau de vie, ce qui n’est pas forcément facile à accepter… On y reviendra dans un autre podcast.