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Débarquement de Provence: « Un Noir ne pouvait pas commander à des Blancs »

August 16, 2019

Il y a 75 ans, le 15 août 1944, des milliers de soldats africains participent au débarquement de Provence. Mais quasiment aucun d'entre eux n'a le grade d'officier. Journaliste à TV5 Monde, Christian Eboulé explique pourquoi, au micro de Christophe Boisbouvier.5'10" - Première diffusion le 15/08/2019
RFI : À l’époque, on les appelait les « indigènes ». Qui étaient-ils ?
Christian Eboulé : Les « indigènes », c’étaient toutes les populations de l’empire colonial français qui étaient considérées comme étant des « indigènes », c’est-à-dire des non-citoyens, des populations qui ne bénéficiaient donc pas de la nationalité, de la citoyenneté française, bien qu’appartenant à l’empire colonial français.
Il y avait donc les goumiers (soldats appartenant à des goums, unités d’infanterie composées d’« indigènes » de différentes tribus) et les tabors (bataillons) marocains, les tirailleurs algériens et puis les tirailleurs sénégalais. Mais le mot « sénégalais » est impropre…
Absolument, ces tirailleurs sénégalais appartenaient à l’ensemble des colonies françaises d’Afrique subsaharienne, mais n’étaient pas tous Sénégalais. On y trouvait évidemment des Sénégalais, mais aussi des Guinéens, des Soudanais [l’ancien Soudan français qui est le Mali actuel], des Ivoiriens, des Burkinabè [ceux qu’on appelait à l’époque les Voltaïques], on y trouvait des Dahoméens [Bénin actuel], etc.
Des Guinéens et des Ivoiriens, dites-vous, d’où la participation des présidents Alpha Condé et Alassane Ouattara au côté du chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, ce jeudi 15 août lors des cérémonies à la Nécropole nationale de Boulouris à Saint-Raphaël, dans le sud-est de la France. Comment se passait le recrutement de tous ceux qu’on a appelés des « volontaires forcés » ?
Notamment lorsque vont se présenter la Première Guerre mondiale et ensuite la Seconde Guerre mondiale, il y aura ce qu’on a appelé les « recrutements forcés ». Durant la Première Guerre mondiale, Blaise Diagne, le premier député africain à l’Assemblée nationale française, va mener des campagnes de recrutement dont certaines vont se solder par des rafles dans des villages où des jeunes gens vont être forcés de faire partie des troupes coloniales françaises, et vont être envoyés au front, notamment en Europe.
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, les effectifs des contingents africains mobilisés en France s’élèvent à 300 000 hommes et plus de 20 000 d’entre eux sont tués. Vous vous intéressez particulièrement au destin d’un tirailleur gabonais, le capitaine Charles N’Tchoréré (1896-1940). Pourquoi ?
Pour une raison toute simple : c’est que les troupes coloniales françaises comportaient très peu d’officiers africains. Il y en a deux tout particulièrement qui ont marqué l’histoire des troupes coloniales françaises originaires d’Afrique subsaharienne, c’est d’abord le Sénégalais Abdel Kader Mademba Sy. Puis, il y a Charles N’Tchoréré qui lui était Gabonais. Et l’histoire de Charles N’Tchoréré est singulière parce que cet homme, qui est né dans une famille vraiment pauvre du Gabon à l’époque coloniale, en 1896, arrive en 1921 et va faire toutes ses classes au sein des troupes coloniales françaises. Et comme il était brillant, il devient officier, il devient notamment capitaine des troupes coloniales françaises en 1933. Et c’est l’un des rares officiers avec Abdel Kader Mademba Sy des troupes coloniales françaises. Parce qu’à l’époque, les Noirs ne pouvaient pas aller au-delà du grade de capitaine au sein de l’armée. Et que ce soit pour Abdel Kader Mademba Sy, le Sénégalais, ou pour Charles N’Tchoréré, le Gabonais, c’est vraiment à la force du poignet, à l’usure, qu’ils vont progresser et gravir les échelons au sein de l’armée. Abdel Kader Mademba Sy sera au seuil du grade de colonel, mais il ne l’aura pas ce grade. Il mourra bien avant [1893-1932]. Et Charles N’Tchoréré, pareil, va plafonner. Et lorsqu’il est assassiné par les nazis à Airaines [Somme] en juin 1940, malheureusement, il ne sera qu