Fréquence Terre

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Reportage : Experts et témoins piégés, citoyens manipulés  

February 11, 2021

Trois vidéos grand public déferlent sur les réseaux sociaux et y font le buzz. Trois vidéos qui manipulent et ont la même technique d’harponnage des spectateurs lambdas qui, sans recul ni esprit critique, les gobent comme paroles d’Évangiles et les répandent tous azimuts.

 

Il s’agit de « Hold-up » qui développe la théorie complotiste d’un virus de fabrication humaine destiné à éliminer une grande partie de l’humanité et, de la sorte, consolider la mainmise d’une élite toute puissante sur la Société. À vrai dire, il s’agit d’un assemblage de propos et de fake news déjà parus,

le condensé de prétendues « preuves » qui ne sont qu’un amalgame de déclarations et de situations tirées de leurs contextes : tout est à charge, des raccourcis ou propos coupés (certains intervenants demandent à en être retirés se considérant comme avoir été « instrumentalisés »), pas d’enquêtes sérieuses, une mise en scène qui joue sur le pathos et qui fait monter l’adrénaline avec des fonds sonores choisis, par exemple.

Avec « Hold-up », il s’agit d’une véritable entreprise paranoïaque qui a pour seul but de prendre le contrôle de la personne qui la regarde, sans lui laisser la moindre possibilité de la réflexion et de la critique, et qui, au final, procède par une manipulation produisant la terreur. Ce qui semble son but.

Nous sommes bien en présence d’une technique parfaitement mise au point par les sectes ou des groupements intégristes qui, ainsi, harponnent les personnes fragilisées, incrédules ou peu cultivées.

La deuxième vidéo est le documentaire belge « Ceci n’est pas un complot », qui veut démontrer que la couverture médiatique de la pandémie au COVID-19 est au service du gouvernement et des industries pharmaceutiques. Une sorte de « fabrique du consentement » mise en scène par les journalistes et reporters.

Avec cette vidéo, on assiste au même type de manipulation du public : son concepteur, Bernard Crutzen, réalisateur et scénariste, se présente comme un citoyen qui « ne se laisse pas influencer par les discours de l’élite », puis qui assemble des bouts de phrases et des interventions ciblées qui actionnent quasiment uniquement la peur et la colère.

Ce qui fit réagir plusieurs intervenants se considérant, comme dans « Hold-up » pour d’autres personnes expertes, d’avoir été piégés.

Deux déclarations, la première de l’anthropologue Jacinthe Mazzocchetti de l’Université catholique de Louvain[1] : « Si j’avais été informée du sujet véritable du film et/ou si j’avais eu l’occasion de le voir avant sa sortie, j’aurais refusé d’y apparaître (…) car la manière où cela est conçu ne peut qu’alimenter les groupes complotistes, aider à basculer ceux et celles, qui sur le fil, se posent de bonnes questions, mais risquent de trouver réponse du côté de groupes complotistes et/ou extrémistes. Ce film participe à cliver davantage et à alimenter non pas le doute et une pensée critique salutaire, mais la défiance généralisée. »

Autre mise au point, celle de l’épidémiologiste de l’Université libre de Bruxelles[2], Marius Gilbert : « Il m'apparaît nécessaire de préciser que mes interventions dans le documentaire de ‘‘Ceci n’est pas un complot’’ ne signifient en rien que j'accrédite les thèses qui y sont défendues. Mr Bernard Crutzen, a conservé les éléments qui alimentent sa thèse, c'est son choix et sa liberté. Mais c'est la mienne de prendre mes distances avec l'usage qui est fait de ma parole, tant cet usage est à l'opposé de la démarche constructive que j'essaie d'entretenir jour après jour. »

Pour information, il est à signaler que ces deux vidéos, techniquement professionnelles sur le plan de la réalisation, sont le fruit d’un financement participatif dénommé « crowdfunding »,